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lundi 24 août 2015

Cas pratique : En apprécier la forme, en évaluer les faits (1)





J’ai mis un peu de temps à me lancer sur ces articles portant sur la méthode du cas pratique, pour plusieurs raisons. La principale est qu’il est beaucoup plus difficile d’expliquer et de modéliser un vraie technique de résolution des cas pratiques, la plupart des étudiants estimant qu’il s’agit ni plus ni moins que de répondre aux questions posées à l’aide des indications de fait, et qu’à partir du moment où l’on répond correctement, ça passe.

Faites ça, et vous êtes foutus.

La réponse à la question qui vous est posée a une importance minime

Oui, le cas pratique est une épreuve où, plus que pour le commentaire et évidemment la dissertation, le résultat auquel vous arrivez, la réponse finale a de l’importance. Mais même si c’est PLUS important, ça reste ASSEZ PEU important.

Ce qu’on cherche réellement à tester dans un cas pratique, c’est soit votre capacité à saisir et qualifier les faits que l’on vous soumet pour en tirer une solution justifiée en droit (et non pas juste, ce qui est tout à fait différent), soit la capacité à discuter argumenter sur la base de faits « limites » pour défendre une interprétation ou un point de vue.

Alors, oui, évidemment ça aide si vous apportez la réponse correcte à la question qui vous est posée, et il y a assez peu de chance pour que vous ayez tous les points si vous arrivez à une réponse qui n’est pas la bonne. Mais il ne faut pas se tromper de sens : c’est grâce à une méthode et une réflexion correcte et éprouvée que vous pourrez arriver au bon résultat ; et ce n’est pas parce que vous arrivez à la bonne réponse juridique que cela valide a posteriori l’intégralité de votre réflexion.

Ouvert ou orienté : les deux catégories de cas pratique

Or donc, il n’y a pas la même méthode à appliquer selon les différentes formes de cas pratique, car oui il y a plusieurs sortes de cas pratiques, au moins deux. Il faut savoir les distinguer car les enjeux ne sont pas du tout les mêmes en termes de rédaction et de méthodologie dans les premières minutes de l’examen, c’est-à-dire lorsque vous prenez connaissance des faits.

Qui juris, éternelle question ? (Cas ouvert)

C’est sûrement l’une des choses qui peut le plus surprendre les gens qui ne viennent pas du droit (ils ne me lisent pas de toute manière, mais on ne sait jamais) : dans certains de nos examens, la seule consigne sur le sujet est rédigée en latin (ce qui doit sûrement être illégal d’ailleurs).

Bon, ce n’est pas toujours le cas, mais je regroupe ici tous les cas pratiques où l’on vous demande d’analyser de façon générale et objective des situations, ils sont reconnaissables en général car les questions sont très larges et ne vous demande de prendre le point de vue de l’une ou l’autre des parties en présence.

Objectifs : Faire une analyse complète et exhaustive des situations et enjeux de droit qui découlent des faits qui vous sont exposés. Ici, visez l’exactitude, votre capacité à rendre compte de la réalité juridique du cas vous rapportera des points.

Comment traiter et analyser les faits : De façon précise et objective. Il vous est demandé de donner leurs qualifications exactes aux faits, sans chercher à pousser spécialement dans une direction ou une autre. En cas de situations limites ou de faits pouvant recevoir plusieurs qualifications, il faudra toutes les explorer, et vous devrez traiter les demandes possibles, les moyens de défense et les demandes en réponse possibles, le tout sur le même plan et avec la même profondeur d’analyse.

Donc, lors de la lecture des faits, relevez d’un côté ceux qui sont clairs et qui ne poserons pas de problèmes d’analyse, ils constitueront la base de votre analyse juridique. Relevez d’un autre côté ceux qui peuvent faire l’objet d’une discussion sur leur qualification : c’est ça qui fera le cœur de votre analyse, et là où vous gagnerez des points et ferez la différence. Enfin, dans ce type de cas pratique, il y a rarement des faits « inutiles » : tout a de la valeur car l’objectif est de donner de la valeur à chaque élément.

Il s’agit du format le plus facile, à mon avis, car une fois les faits relevés, il vous sera très facile de caser votre analyse des faits limites, de leur qualification et leur régime.

« Monsieur Martin vient vous consulter » (Cas orienté)

C’est le contraire de l’exemple précédent : souvent dans le cadre d’un demi-scénario extrêmement faible qui ne serait pas dépareillé dans une fiction TF1, il vous est demandé de vous transformer en conseil de l’une des parties décrites dans le cas pratique. En général, la question restera assez vague quand même, car au barreau le niveau est trop élevé pour espérer un guide de résolution façon L1. Mais, on vous donnera quand même le sens de résolution dans lequel vous devrez vous orientez : « Quels sont les moyens pour M. X de se dégager de ses obligations ? », « Quels sont les moyens de défense de Mme. Y ? », « Mlle. Z peut-elle être tenue responsable des dommages causés ? », etc.

Objectif : Lister les différentes options juridiques possibles ouvertes à la « personne » qui vous consulte, en les appuyant avec les faits pertinents que vous qualifierez et discuterez correctement. Vous devrez également en donnant les intérêts, ainsi que les chances de succès et les moyens de défense qui pourront être soulevés en face. Néanmoins, par rapport à l’autre type de cas pratique que je vous ai exposé ci-dessus, vous ne mettrez pas les moyens de défense au même niveau, mais plutôt comme nuances de votre analyse principale.

Comment traiter et analyser les faits : Il peut être utile de résoudre « à l’envers », en partant des points de droit que vous souhaitez soulever, puis en allant piocher les faits qui sont pertinents. C’est risqué, parce qu’il ne faut pas lancer non plus des choses dans le vide que vous ne pourrez pas appuyer par des faits présents. Encore une fois, prenez une bonne distinction entre les faits qui sont clairs et directement utilisables, et ceux qui demanderont discussion. N’oubliez pas non plus de vous appuyer sur les faits pour évaluer les chances de succès de chaque option.

Est-ce une distinction pertinente ?

C’est une question légitime, car à ma connaissance tout le monde n’opère pas forcément cette distinction dans l’abord des cas pratiques. Je vous conseille quand même de distinguer ces types de cas pratiques, au moins pour mettre un peu plus d’enjeu dans votre résolution.

Il est toujours plus facile de résoudre quelque chose lorsqu’on arrive à lui donner du sens, c’est le cerveau humain qui est fait comme ça. En prenant en compte cette distinction, vous pourrez vous rendre plus efficace lorsque vous attaquerez l’épreuve : quand vous entrez dans la peau du « conseil », vous vous mettez dans une certaine perspective, qui est celle qui vous est proposée déjà par le sujet. Vous serez donc nécessairement plus proche de la copie optimale. De la même manière, si on vous pose un cas pratique ouvert, c’est en recherchant l’exhaustivité et l’exactitude avant tout que vous serez dans le vrai.

C’est là que je reviens vers ce que je vous disais au tout début : la réponse finale au cas pratique n’a pas d’importance, en ce sens qu’elle ne suffira pas à obtenir une bonne note. Il vous faut absolument être carré dans l’analyse et la qualification des faits, que vous produirez d’une manière qui aura du sens, car elle correspondra au profil de cas pratique que l’on vous propose.


Alexandre

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